Les séparés (N'écris pas...)
Une de mes chansons préférées de Julien Clerc...
Poème de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
La vie de Marceline Desbordes-Valmore est marquée par le sceau du malheur.
Née à Douai, fille d’un peintre en armoiries ruiné par la Révolution, Marceline connaît une enfance difficile. Elle doit interrompre ses études à cause de la ruine de sa famille. Pour tenter de redresser la précaire situation financière de la famille, sa mère décide de rejoindre un riche parent aux Antilles, en Guadeloupe, mais meurt de fièvre jaune à l'arrivée. Éprouvant voyage dont Marceline revient seule, à demi-morte.
De retour à Douay, à l’âge de seize ans, elle embrasse la carrière de comédienne et de cantatrice
Elle rencontre un acteur de second ordre, Prosper Lanchantin, dit Valmore, qu'elle épouse en 1817. Le couple entame une vie difficile et errante. Marceline perd peu à peu tous ses proches, ses trois enfants, son frère, et s'éteint seule et dans le désespoir à Paris en 1859.
Âme sensible, délicate, impressionnable, elle sait traduire ses sentiments avec une sincérité et une spontanéité rares et surtout dans une langue d’une musicalité qui séduit les plus grands écrivains de l’époque: Lamartine, Béranger, Vigny, Hugo, dont elle restera toujours l’amie, puis Baudelaire, contempteur des femmes de lettres, auprès de qui, elle est la seule à trouver grâce.
Avec les années marquées par les déceptions, les difficultés matérielles, les deuils cruels, son lyrisme gagne en beauté, en intensité et en passion douloureuse.
Le style, étonnamment moderne, fluide, délicat, de ce poème en forme de lettre est sorti grâce à Julien Clerc du silence des bibliothèques et recueils de la NRF pour toucher des millions d'auditeurs, à un siècle et demi de là : le texte date en effet de 1830 et s'adresse initialement à Henri de Latouche, comédien et amant volage de Marceline.
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N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !